Alerte prises en charge des enfants et adolescents

151

Lettre ouverte à l’attention du Conseil Départemental de Meurthe-et-Moselle, de l’Agence Régionale de Santé Grand Est et de la Préfecture de Meurthe-et-Moselle

                                                                                 Nancy, le 25 janvier 2024

OBJET : alerte difficultés prises en charge enfants et adolescents

Mesdames, Messieurs,

Nous attirons votre attention sur les difficultés majeures de prises en charge actuelles des enfants et adolescents.

Nombre d’enfants nécessitent aujourd’hui une prise en charge psychologique ou psychiatrique, la souffrance psychique de la jeunesse a été mise en évidence à travers de nombreux rapports et enquêtes, or les moyens pour y répondre sont plus qu’insuffisants.

La pédopsychiatrie s’éloigne toujours davantage de la cité : concernant l’ambulatoire, l’accessibilité est de plus en plus difficile. Les antennes de consultations ferment les unes après les autres, rendant le trajet d’accès toujours plus long. Beaucoup de nos concitoyens vivent dans une précarité matérielle, sociale et psychique qui ne leur permet pas d’accéder à ces soins ambulatoires. Lorsque le Rdv est pris, là encore les délais d’attente ne sont pas adaptés : devoir attendre 3 mois ou plus pour une consultation ne correspond en aucun cas à une réelle prise en compte de la souffrance psychique, même si nos employeurs considèrent de tels délais acceptables car « il y a pire ailleurs ».

Quant à la réalité des prises en charge en pédopsychiatrie, qu’en est-il réellement ? Un enfant doit être pris en charge de façon régulière et hebdomadaire afin de lui permettre d’atténuer la symptomatologie qui le fait souffrir. Il est évident qu’un Rdv mensuel, voire trimestriel ne peut en aucun cas faire céder le symptôme, si ce n’est de façon artificielle via un traitement médicamenteux. Cela ne permet pas au jeune sujet de traiter sa souffrance, et ne le protège donc pas des inévitables difficultés qu’il rencontrera par la suite. Traiter un enfant par la parole, lui permet au contraire d’identifier ses ressources propres et par là, le rend plus autonome et actif dans son propre développement.

Lorsque l’enfant nécessite des soins plus intensifs, tels une hospitalisation, les moyens mis en place sont tout autant insuffisants. Avant cela, les enfants sont pris en charge uniquement en hospitalisation de jour, et à temps très partiel sur la semaine (quelques demi-journées). Les hospitalisations temps plein ne permettent d’accueillir que les symptomatologies les plus aigües. Régulièrement, les lits proposés sont tous occupés, on a également pu observer des patients surnuméraires. Rares sont les jours où un lit est vacant.

Ces manquements concernent la population générale, et elle est encore plus inacceptable pour les enfants les plus fragiles. Les enfants relevant de l’ASE ou la PJJ ont connu une histoire de vie teintée de séparation, abandon, maltraitance. Ce sont des jeunes très fragiles qui nécessitent des soins de façon urgente et régulière avant leur devenir adulte, devenir qui sera précipité si aucun changement familial n’est possible. Il s’agit de jeunes en rupture qui devront être autonomes et indépendants bien plus rapidement que ceux pouvant grandir en famille. Paradoxe que cet état de fait, puisque l’on exige de ces jeunes de grandir plus vite avec moins de ressources affectives. Eux aussi nécessitent des soins, et l’accès ne leur est pas davantage facilité. Il est vrai d’ailleurs, qu’un psychologue exerce dans chaque MECS, CER ou CEF, souvent à temps partiel. La prise en charge psychologique est à réfléchir dans sa mise en place et dans le cadre qui est posé. Il est parfois important d’ouvrir les portes d’un foyer afin de permettre à un de ces jeunes de commencer à s’autonomiser, d’aller vers un psychologue extérieur qui sera davantage en place de neutralité.

Concernant la mise à l’abri de ces enfants, le manque de places dans les structures du médicosocial est criant. Le nombre de placements non effectués ne cesse d’augmenter, parfois masqué derrière l’appellation « placement à domicile », faute de moyens. Dans d’autres situations très particulières, ce manque de moyens ne fait que renforcer les mises en danger des enfants alors que le placement devait les en écarter : lorsqu’un jeune en violente un autre, physiquement, moralement ou sexuellement, il n’est pas rare que victime et agresseur continuent à vivre dans les mêmes lieux, toujours faute de moyens. Lorsqu’un enfant bénéficie d’une prise en charge adaptée à sa situation médicale, il est fréquent que la problématique soit occultée.

Pour la situation particulière des mineurs isolés étrangers, nous constatons des différences dans l’intervention de la protection de l’enfance. Par exemple, dans une même association, le prix de journée moyen est de 70 euros pour un mineur étranger soit environ 3 fois moins que pour un enfant en situation administrative régulière. Ce qui a des conséquences certaines : encadrement insuffisant, prises en charge spécifiques réduites au minimum, montée de la violence.

Cet état des lieux est général, les institutions concernant la jeunesse manquent de moyens matériels et humains. Cependant, ces manquements ne sont pas sans conséquence, un défaut de soin, de prise en charge a des effets délétères. Un semblant de prise en charge, qu’elle soit psychologique ou éducative ne peut que iatrogéniser une symptomatologie déjà présente. Il s’agit donc de se donner les moyens d’accompagner au mieux notre jeunesse, nos concitoyens et leur permettre de mobiliser les ressources nécessaires à une vie adulte.

Nous, représentants CGT et professionnels travaillant auprès de ces enfants, demandons un rendez-vous afin de vous faire part des difficultés rencontrées au quotidien et de nos propositions.

La CGT Santé et Action Sociale 54, la CGT du CPN, la CGT REALISE et la CGT JB THIERY