Projet sur le nouveau mode de calcul de la pension de retraite des fonctionnaires Argumentaire CGT

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Le tableau de comparaison montre que la seule supériorité de la Fonction publique, c’est de connaître une moindre inégalité salariale entre femmes et hommes. Notre objectif reste l’égalité complète.
Les pensions des fonctionnaires sont comparables avec celles de l’ensemble des retraités.
Pensions moyennes de 2010 et 2011
(détail par catégorie C, B et A pour les nouveaux pensionnés de 2011)
 
 
Retraite moyenne
Femmes
Hommes
La pension des hommes est supérieure de
Tous régimes en 2011
1301 €
1065 €
1579 €
48 %
 
Fonction publique en 2010 : régime de l’Etat (civils)
1 767 €
 
 
 
Fonction publique en 2010 : CNRACL, territoriale et hospitalière
1 227 €
 
 
 
2011 pensions nouvelles de Catégorie C
Etat (civils)
1039 €
1033 €
1050 €
2%
Territoriale
911 €
823 €
1013 €
23%
Hospitalière
1085 €
1062 €
1154 €
9%
2011 pensions nouvelles de Catégorie B
Etat( civils)
1403 €
1375 €
1465 €
7%
Territoriale
1364 €
1269 €
1550 €
22%
Hospitalière
1447 €
1427 €
1536 €
8%
2011 pensions nouvelles de Catégorie A
Etat (civils)
2006 €
1932 €
2124 €
10%
Territoriale
1963 €
1946 €
1963 €
1%
Hospitalière
1873 €
1839 €
1873 €
2%
 
Les principales différences viennent du fait que :
         dans l’Etat, plus de la moitié des nouveaux retraité-e-s sont cadres, les enseignant-e-s y étant nombreux.
         La différence de pension entre femmes et hommes est inférieure à celle du privé. C’est cela qui pour l’essentiel explique que les retraites du public sont pour leur montant moyen supérieures à la moyenne du privé, et non pas une prétendue générosité de leurs régimes de retraite.
La retraite des femmes de catégorie C (employées et ouvrières) est équivalente à la moyenne globale des pensions des femmes, alors que pour les hommes de cette catégorie, elle ne représente que les deux tiers de la pension moyenne masculine.
 
Un seul objectif : baisser les pensions
 
Pour un calcul sur l’indice moyen des 10 dernières années, la perte de pension est d’environ 10% pour la catégorie A, d’environ 8% pour la catégorie B, d’environ 6% pour la catégorie C, catégorie dont l’écrasement sur le SMIC de la grille indiciaire est si catastrophique que les gains en fin de carrière sont faibles.
Cette perte moyenne s’accroîtrait encore pour les agents bénéficiant de promotions de grade les 10 dernières années de leur carrière, et encore plus s’ils changent de catégorie.
 
Il est particulièrement incohérent d’envisager de telles mesures, et d’affirmer en même temps une volonté de construire des fins de carrière attractive, offrant de réelles perspectives, aux agents dits "seniors" (plus de 50 ou 55 ans) ; alors que ceux-ci seraient maintenus plus longtemps dans l’emploi, avec l’allongement envisagé de la durée d’assurance requise, et avec la trahison par le gouvernement de la promesse de revenir à l’âge légal de 60 ans.
 
Il n’est aucunement question de justice entre public et privé dans une telle mesure, mais d’une simple volonté brutale de baisser les pensions.
 
La CGT Fonction publique présente la perte de pension qui résulterait d’un changement de calcul du traitement pris en compte pour la retraite, pour un agent partant avec une retraite complète à 75% et ayant passé seulement 6 mois dans l’échelon de départ en retraite, et dans son grade depuis 10 ans.
Pour en savoir plus :
www.cgtlaborit.fr/Reforme-des-retraites-L
 
Perte de niveau de pension pour un calcul sur l’indice des dernières années de carrière
 (par rapport à un calcul sur l’indice de l’échelon des 6 derniers mois)
Chaque régime de retraite a sa logique. Si on utilisait les 6 derniers mois pour calculer les pensions des salariés du privé, les conséquences en seraient catastrophiques pour beaucoup d’entre eux. Les salaires les plus élevés ne sont pas ceux des dernières années pour beaucoup, d’autant plus qu’une forte proportion est en dehors de l’emploi pendant les années qui précèdent la retraite. C’est pourquoi la référence du privé est "les meilleures années" et non "les dernières années". D’ailleurs pour baisser les retraites du privé, la référence est passée des 10 aux 25 meilleures années.
Chaque régime de retraite obéit à une construction différente des rémunérations. Les fonctionnaires ne connaissent pas le chômage, ils ont une carrière ascendante, mais ne négocient pas leur rémunération par entreprise ou branche, puisqu’ils suivent une grille indiciaire commune à toute la Fonction publique.
Le calcul sur les 6 derniers mois dans le public est l’équivalent du calcul sur les 10 meilleures années dans le privé.
 
La justice serait-elle de baisser les retraites des fonctionnaires dans la même proportion qu’ont baissé celles du privé en passant de 10 à 25 ans ?
Pour la CGT, la justice est de revenir aux 10 meilleures années dans le privé.
 
Le gel du point d’indice a déjà baissé les salaires et les pensions
 
La politique de décrochage du point d’indice par rapport à l’inflation a déjà fait considérablement baisser le niveau des pensions. La pension est calculée sur la rémunération indiciaire du fonctionnaire, hors primes.
Faire baisser le point d’indice, c’est faire baisser le niveau de la pension au moment du départ en retraite.
Entre le 1er janvier 2000 et mars 2013, le point d’indice a perdu 12,9% par rapport à l’inflation.
Et depuis que s’applique le gel total du point d’indice, qui est désormais une politique commune à la droite et à la gauche, depuis le 1er juillet 2010 jusqu’à mars 2013, c’est 4,9% de perte sur l’inflation que les fonctionnaires ont du subir. Si le gel continuait jusqu’en 2014 compris, ce serait 2 à 3% de pertes supplémentaires.
 
Envisager encore une baisse supplémentaire, en changeant le mode de calcul et en désindexant la revalorisation des pensions de l’inflation, ce serait s’enfoncer dans une politique d’austérité par une baisse continue du pouvoir d’achat, en particulier des fonctionnaires
 
La fausse compensation par les primes
 
En compensation de la modification du traitement de référence, pourrait être intégrée dans le calcul de la retraite une part de primes, de 5 à 10% selon "Le Monde".
C’est à dire que contre une baisse de 6 à 10% au minimum de la pension, par passage de 6 mois à 10 ans, on élèverait le traitement servant de base à la retraite de 5 à 10%. Quel intérêt à une telle opération ?
 
a) Le taux de remplacement de 75% est en fait beaucoup plus bas pour les fonctionnaires
 
Selon une étude de la DGAFP publiée par le Conseil d’Orientation des Retraites en septembre 2012 (http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-1827.pdf ), le taux de rémunération non indiciaire (primes) dans l’Etat est de 30% en moyenne.
En conséquence, selon une étude du Service des Retraites de l’Etat publiée par le COR en novembre 2012 (http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-1879.pdf ), le taux de remplacement moyen du traitement d’activité par la pension est de 60%, bien loin des 75% pour une carrière complète. Les trois quarts des fonctionnaires ont donc un taux de remplacement inférieur à 75%.
 
Dans les deux autres versants, territoriaux et hospitaliers de la Fonction publique, la même évolution vers une part de plus en plus présente de rémunération hors traitement indiciaire a eu lieu, avec de fortes différences entre employeurs, en particulier pour les petites communes qui servent peu de primes.
 
Intégrer une part de primes dans le calcul de la retraite est aujourd’hui une nécessité objective.
Le fait de ne cotiser que sur une part de la rémunération globale est là aussi une différence avec le privé, clairement au désavantage des fonctionnaires.
 
L’intégration d’une part des primes dans la grille indiciaire est une hypothèse clairement sur la table à l’occasion de la négociation générale sur la grille de la Fonction publique de l’automne 2013.
La CGT revendique l’intégration des primes représentatives de complément de traitement dans la grille.
 
b) Un prélèvement supplémentaire sur les salaires
 
Autant il est naturel de cotiser plus pour bénéficier de plus de droits, autant la réalité pour les fonctionnaires est de cotiser plus pour avoir moins.
La cotisation retraite du fonctionnaire passera déjà de 2011 à 2020 de 7,85% du traitement brut à 10,80%, pour aucun droit supplémentaire, bien au contraire.
 
Une intégration des primes dans le calcul de la retraite, à hauteur de 10% par exemple, aurait pour effet d’accroître la cotisation du fonctionnaire d’autant, ce qui ne souffrirait aucune critique avec des droits supplémentaires.
Si par contre, en même temps, le changement de mode de calcul maintient la pension des fonctionnaires strictement au même niveau, l’opération se résume à un nouveau prélèvement de 1% sur le traitement des fonctionnaires, c’est à dire à une nouvelle baisse de salaire.
 
Présentée selon cette hypothèse, une intégration dans ces conditions (10% contre 6 mois) des primes dans le calcul représenterait un milliard de recettes en plus pour les régimes des fonctionnaires, intégralement pris dans leur poche, pour une dépense supplémentaire zéro pour le niveau des pensions, et pour une cotisation zéro des employeurs publics. En termes familiers, cela s’appelle une arnaque.
 
c) Sortir de la capitalisation sur les primes
 
Il existe d’autres solutions, et en premier lieu celle de la sortie de la capitalisation sur les primes, et de la mise en extinction de la retraite additionnelle (ERAFP).
Plutôt que de consacrer chaque année 1,5 milliard d’euros de cotisations de la retraite additionnelle à des placements aléatoires et peu rémunérateurs sur les marchés financiers, il serait plus efficace d’intégrer ces ressources, et les 15 milliards déjà accumulés, au fonctionnement des régimes de fonctionnaires.
Cette solution permettrait à elle seule d’intégrer une part significative des primes, sans coût supplémentaire pour les employeurs publics pendant une dizaine d’années.
 
Il est hors de question pour la CGT de se placer en situation d’échanger intégration des primes contre abandon des 6 mois.
Cela reviendrait à accepter une nouvelle perte de pouvoir d’achat des fonctionnaires, alors que des solutions alternatives existent.
 
Désindexer dans le privé et le public
 
Les débats autour de la réforme des retraites s’organisent autour de deux conceptions.
Pour la première, le système de retraite a pour premier objectif de garantir un niveau de revenu aux retraités, en rapport avec leur rémunération d’actif. Son évolution doit se construire autour du "taux de remplacement" du revenu d’activité, et du niveau de la pension. C’est la position de la CGT.
Pour la deuxième option, le système de retraite a pour premier objectif la garantie de son équilibre financier. Le niveau de la pension doit pouvoir baisser pour atteindre cet équilibre. Son évolution doit se construire autour d’un objectif pré-établi de niveau de dépenses consacrées aux retraites, et de la recherche d’une méthode pour baisser les pensions.
C’est dans cette deuxième option que se situe la commission de l’avenir des retraites "Moreau".
 
Il est envisagé de rajouter deux mesures :
         La désindexation des pensions de l’inflation, les retraites du public et du privé étant revalorisées du même niveau au 1er avril de chaque année.
         La désindexation de la revalorisation des salaires pris en compte pour le calcul de la retraite, dans le privé mais aussi dans le public, ce qui demande une explication.
 
Les salaires du privé étant calculés sur les 25 meilleures années, les régimes font une moyenne des salaires, en revalorisant ceux des années précédentes du niveau de l’inflation. Cette revalorisation est inférieure à l’évolution du salaire moyen, ce qui est une des causes principales de la baisse des pensions, à carrière égale, dans le privé.
Si on calcule la pension des fonctionnaires sur les 10 dernières années, il devient possible de leur appliquer la même mesure : revaloriser le montant de leur rémunération de référence, de l’inflation ou moins.
 
L’idée est d’introduire un pilotage de l’ensemble des régimes de retraite en baissant si nécessaire un seul paramètre, celui de la revalorisation des salaires de référence (les pensions futures) et des pensions en cours.
Le pilotage se ferait par l’intermédiaire du projet de loi de finances sur la sécurité sociale annuel (PLFSS).
 
La CGT combat une telle orientation, qui suppose que le seul élément qui puisse baisser, c’est le niveau des pensions, et jamais le niveau des recettes.
Un tel mode de pilotage est totalement contraire à celui que propose la CGT, d’une coordination des régimes de retraite se fixant des objectifs communs.
 
Une pension de fonctionnaire déconnectée du point d’indice
 
L’ensemble de ces propositions n’est pour l’instant que celles de la commission d’experts, le contenu exact du rapport transmis à la mi-juin étant pour l’instant inconnu.
Mais si le gouvernement prenait cette option, il déconnecterait la pension du fonctionnaire du point d’indice, donc de la rémunération indiciaire. Si pour chacune des dernières années le montant de référence était revalorisé d’un montant différent, c’est le montant et non l’indice, comme aujourd’hui, qui constituerait la base de la pension ("l’indice de l’échelon des 6 derniers mois").
 
La prise en compte des primes pourrait même faire disparaître la référence stricte à la grille, suivant la forme qu’elle prendra. D’ailleurs l’ensemble de la politique salariale des dernières années a consisté à tenter de faire perdre au point d’indice son caractère central dans la rémunération du fonctionnaire. C’est pourquoi la CGT préfère l’intégration des primes dans le traitement indiciaire.
 
C’est le fondement même de la particularité des régimes de fonctionnaires qui pourrait être remis en cause.
 
Une fois la retraite des fonctionnaires ainsi banalisée, par la référence aux 10 dernières années et la déconnexion du point d’indice, le chemin vers une fusion des régimes de fonctionnaires avec les autres régimes serait largement ouvert.
 
Ce qui se joue dans le mode de calcul de la pension des fonctionnaires, d’autant plus si c’est l’hypothèse des 10 dernières années qui était reprise par le gouvernement, serait bien plus large que la baisse immédiate de pension qu’elle entraînerait.
C’est de la remise en cause des régimes de retraite de la Fonction publique, du mode de fixation de la rémunération, et en fin de compte d’une très grave fragilisation du statut des fonctionnaires dont il s’agit.
La CGT prendra les initiatives nécessaires à la mobilisation de l’ensemble des salarié-e-s et des fonctionnaires, contre les mauvais coups qui s’annoncent, pour des solutions de progrès.